Une coquille vide.

Le document retrouvé dans la maison brûlée :

Le document est une fiche, visiblement l'une de celles qui composent tout un registre de fiches plus suspectes les unes que les autres.

Nom : Néant. Le nom de la famille a visiblement été effacé.
Prénom : Juliette.
Âge : 4 ans.
Métier destiné : Assassin.

La fichette se compose donc de ces quelques lignes et, juste à côté, d'une sorte de portrait crayonné d'une gamine en bas âge toute jouflue, souriante, visiblement allongée dans ce qui semble être un berceau de fortune.

Plus bas, un autre portrait de la même gamine, plus vieille, debout, les épaules frêles comme n'importe quelle gamine à cet âge, la taille fine marquée par un foulard rouge noué autour d'une sorte de pyjama ridicule, appelé par l'auteur de la fiche une "tenue d'entraînement". Son visage n'affiche aucune émotion. Elle est juste droite, le regard vide fixé droit devant, comme si elle pouvait suivre des yeux ceux qui tiennent cette fiche entre leurs mains. Un texte figure également à côté de la représentation :

Juliette, 8 ans.
Suivi : Douée en création de poisons, pas trop mauvaise avec une épée. Trop fragile pour porter une véritable armure. Entraînement à poursuivre.

Un cachet rouge figure en bas de la fichette.



La réalité :

Juliette a été vendue toute bébé à un homme louche en l'échange de quelques pièces d'or. Ses parents, Séanim et Anya, n'ont eu aucun scupule à abandonner leur précieuse fillette. L'homme, qui s'avérait être un hors-la-loi en fuite, achetait des enfants par-ci par-là pour les "former" à travailler pour lui. Les premiers enseignements de Juliette, au tout début de sa petite vie, ont donc été "Comment tuer quelqu'un facilement et rapidement", "Comment crée des poisons mortels", "Comment rester froide en cas de soucis".
La petite Juliette n'a pas reçu les leçons de morale qu'il est d'usage de donner à tout bébé né dans une famille aimante. Mais, heureusement pour elle, arrachée des mains de son "possésseur" par un clan d'elfes, elle a pu vivre à peu près normalement en contrées elfiques, où elle a appris à porter des robes, à se comporter normalement et à manier la magie blanche. Elle n'a reçu que peu d'enseignements en ce qui concerne les sentiments, et apprend encore aujourd'hui à les "manier". Elle a cependant appris à sourire quand il faut le faire, durant une discussion dite amusante, ou à d'autres occasions.
Elle a quitté les terres elfiques il y a quelques jours, afin d'apprendre à vivre "à peu près normalement", en communauté. Mais ça, c'est ce que les elfes qui l'ont élevée ont dit.

Si l'on dressait une fiche descriptive aujourd'hui, voilà à quoi elle pourrait ressembler :

Toujours pas de nom.
Prénom : Juliette.
Âge : 26 ans.
Profession : Médecin et "Paladine" à ses heures.
Carrure : De taille moyenne, jamais mesurée. Toujours aussi filiforme, l'un des seuls souvenirs visibles de sa petite enfance. Rousse, aux yeux noisette (Cf. Le portrait à votre gauche). Toujours en robe, il paraitrait que ça fait "femme". Plutôt silencieuse, nez dans ses grimoires. Tente vainement d'afficher des sentiments qu'elle ne ressent pas, ou presque. Tente d'être, pour résumer.

Une véritable coquille vide. Mais ça, personne ne peut s'en douter une seule seconde.



HRP - J'ai volontairement laissé pas mal de zones d'ombre, et écrit le texte d'une façon particulière. S'il y a vraiment des incompréhentions... Il faudra en parler. ;)

Elle attendait depuis quelques jours une lettre. Si elle en eut été capable, elle aurait pu prétendre l'attendre impatiement, cette lettre. Mais elle se contentait d'attendre, là, chez elle, qu'un aimable coursier la lui apporte.

Son voeu fut exaucé dans la journée ; Et à dix heures, pendant la matinée, ce fut un bonhomme un peu grassouillet, souriant et haut en couleur qui lui tendit l'objet de ses attentes, après avoir vérifié son identité.
Intérieurement, elle s'était bien entendu demandé sur quoi le coursier s'était basé pour définir si oui ou non elle était bien le destinataire de cette lettre. Mais là n'était pas la question. La lettre était là, bien là.


Depuis cette heure bénie, ou maudite selon les points de vue, elle s'était assise sur le splendide sofa rouge qui orne son "salon", fixant l'enveloppe ou plus précisément son dos. La lettre semblait bien être celle qu'elle attendait : Elle semblait formelle, officielle, et d'une valeur qu'on aurait pu qualifier d'inéstimable.
Ou tout l'inverse.

Et pour une fois, elle sentit monter en elle une sorte de grand froid, ou bien de grand chaud. L'incapacitant stress, la peur du refus, l'envie de l'accord. Peut-être que cette lettre-là contenait une multitude de petites excuses brodées tout autour d'un immense refus ? ... Ou bien elle contenait une belle signature lui accordant ce qu'elle souhaitait depuis son arrivée sur le continent. Et là, maintenant, elle n'était plus sûre du tout de vouloir ouvrir cette fichue enveloppe.

Un sourire amer s'accapara une place sur son fin visage. Elle en venait enfin à ressentir une quelconque émotion. Dommage qu'elle lui soit procurée par une simple enveloppe cachetée. Alors depuis une, deux, trois... Peut-être six heures, elle était restée là à fixer l'enveloppe. De temps à autres, elle s'était levée pour faire les cent pas, réfléchir, se frapper la tête contre un mur ou deux...

Et là, maintenant qu'elle était à nouveau assise sur le sofa, fixant l'enveloppe posée à côté d'elle, elle pensait encore, analysant un par un les sentiments qui lui traversaient l'esprit. Donc, ceci s'apparenterait à de la peur. Cela, à de l'envie. Cet autre je-ne-sais-quoi serait de l'espoir. Et pour la première fois, elle esquissa un véritable sourire.
Pour sûr, elle avait l'habitude de sourire. Pour paraître normale. Elle souriait à Izuke quand il se plaignait ou quand Trinitya et Aoife l'embêtaient, elle souriait quand Valadia disait quelque chose qui devrait être drôle, elle souriait quand tout le monde le faisait parce-que Silaki avait encore oublié ses souvenirs quelque part... Ses zygomatiques étaient rodés.
Mais pour une fois, en atrappant cette capricieuse enveloppe, elle souriait sincèrement, tout en pensant à ses espoirs, à ses envies, et à sa crainte. Elle décacheta l'enveloppe, sortit la lettre et commença à déchiffrer l'élégante écriture elfique qui se baladait sur la page, serrant les dents.

Au bout de quelques lectures, ses dents se déserrèrent. Elle réalisa qu'elle n'avait plus de craintes à avoir, si ce n'est de râter volontairement les "examens" à venir s'ils se montraient antipathiques...





"Ma chère amie,

Après avoir examiné scrupuleusement votre dernier examen, j'ai pu porter mon jugement devant mes confrères. Et le leur était semblable au mien.
Vous faites preuve d'un grand soucis de l'autre, d'une habileté et d'une précision remarquables. Votre patient s'est remarquablement bien remis, et c'est pour cela que je me dois de vous féliciter.
Je joins à cette lettre le diplôme, certificat de vos aptitudes aux soins basiques et avancés avec un plaisir non feint.

Les membres du conseil et moi-même vous félicitons une fois de plus ; Vous voilà officiellement médecin.